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17 mai 2021 - 07:20
Dans la nuit du 23 au 24 Avril 2021, un transformateur de tension de la commune de Vridi à Abidjan prend feu entraînant une interruption généralisée de la fourniture du courant électrique en Côte d’Ivoire et plongeant tout le pays dans l’obscurité.
Depuis cette date, des délestages se succèdent. Le mot délestage a été remplacé pour la circonstance par « rationnement » comme si, par un tour de sorcellerie que seuls les apprentis-sorciers connaissent le secret, le changement de mot entraînerait le changement de la dure réalité dans le quotidien des ménages et des entreprises.
Les autorités accusent le ciel, la terre et les dieux de la pluie pour mieux cacher les vraies raisons de la crise énergétique que subit la Côte d’Ivoire.
En réalité l’explosion du transformateur de Vridi n’est que le thermomètre qui révèle le mal profond qui ronge le secteur de l’électricité en particulier et tout le pays en général.
Quelle est la cause et quels sont les événements qui ont conduit à cette crise ?
Par suite de l’explosion du transformateur de tension de Vridi dans la nuit du 23 au 24 Avril, le système de refroidissement de la centrale à vapeur de 140 MW d’AZITO est endommagé et met hors de service la centrale à vapeur avec pour conséquence le délestage de 140MW du réseau.
Une centrale de 33 MW à CIPREL tombe aussi en panne entraînant au total un déficit de 173 MW.
La mise à contribution des barrages hydroélectriques au-delà de leur capacité en saison sèche pour faire face à la crise, a mis hors service les barrages de Kossou (174MW), de Taabo (210MW) et d’Ayamé 1 et 2 (50MW).
"Les apprentis sorciers préfèrent fermer les yeux"
En effet la centrale d’AZITO est une centrale thermique conçue pour fonctionner en cycle combiné gaz-vapeur dont la première phase (gaz) de 300MW a été mise en service en 1998 selon un contrat BOT de 20 ans (Built Operate and Transfer, où l’État devient le propriétaire des équipements après la période de concession).
La chaleur à 500°C produite par cette centrale à gaz est récupérée pour produire de la vapeur d’eau qui alimente une centrale à vapeur de 140MW mise en service en 2015. En l’absence de système de refroidissement endommagé par l’explosion du transformateur de Vridi, la turbine de la centrale à vapeur succombe sous l’effet de la chaleur.
L’une des turbines de la centrale thermique de CIPREL mise en service en 1994 selon un contrat de type BOT pour 20 ans, a aussi succombé.
La cause première de cet engrenage est donc la panne du transformateur de tension de Vridi.
Pourquoi le transformateur de tension de Vridi a explosé ?
A l’exclusion d’un cas de force majeure qu’aucun élément ne permet de justifier à postériori, deux hypothèses sont possibles : soit le poste est vieillissant et les apprentis-sorciers ne se sont pas rendu compte, soit une mauvaise manipulation d’un apprenti-sorcier sur le transformateur a provoqué l’explosion. Le fait que trois agents de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) en charge de l’entretien du réseau aient été gravement blessés par brûlure, milite pour cette dernière hypothèse. La probabilité d’une combinaison des deux hypothèses n’est pas non plus à écarter.
De toute évidence, la cause humaine est à la base de cet engrenage et non les dieux de la pluie.
Pour mieux comprendre l’état des ressources humaines en charge du secteur, faisons un retour en arrière.
Au début des indépendances, la Côte d’Ivoire a fait le choix de sélectionner les meilleurs bacheliers des séries C et E pour une formation dans les grandes écoles européennes et américaines d’électricité.
Cette tradition instaurée en 1946 par Félix Houphouët-Boigny, a permis de doter la Côte d’Ivoire d’un potentiel humain de qualité.
Forte de ce potentiel qui avait en charge l’électrification, la Côte d’Ivoire a pris la décision de créer en 1978, en accord avec plusieurs pays africains, l’Ecole Supérieure Interafricaine d’Electricité (ESIE) de Bingerville sponsorisée par les sociétés publiques africaines d’Electricité avec les mêmes critères de sélection des étudiants.
La vague de privatisations, amorcée en Afrique à partir de 1990, a entraîné la liquidation progressive de l’ESIE au fur et à mesure des privatisations des sociétés d’électricité des pays membres. Cette école a disparu. Aujourd'hui, la majorité des travailleurs du secteur est fournie par les écoles "boutiques".
La promotion par fait d’arme et rattrapage ethnique ayant fait de l’Etat un butin de guerre, a permis d’éclipser la promotion par le mérite à l’école depuis 2011 par le mérite des armes et de la drogue, avec son cortège de licenciements abusifs des compétences. Les apprentis-sorciers ont maintenant en charge des secteurs aussi sensibles comme l’électricité. Cette production de compétence au rabais, conséquence de la rébellion armée qui a renversé les valeurs en substituant l’ascension sociale par l’école par l’ascension sociale par les armes et la drogue depuis 2002. Ce renversement des valeurs ira en s’accélérant avec la génération Kandia Camara nourrie à l’analphabétisme et à la drogue et incubant des microbes qui assurent la relève des rebelles.
La Côte d’Ivoire glisse donc dangereusement vers son immergence dans l’obscurité par les apprentis-sorciers en lieu et place de l’émergence promise aux ivoiriens.
Ce ne sont donc pas les dieux de la pluie qui punissent la Côte d’Ivoire. L’épuisement des réserves d’eau dans les barrages hydroélectriques est un phénomène cyclique qui se produit chaque année en saison sèche.
Les centrales thermiques ont en partie pour rôle, dans le bouquet énergétique, de servir d’appoint en saison sèche comme les groupes électrogènes d’Aggreko qui ont secouru le secteur lors de la crise énergétique de 2010.
Ces centrales thermiques ont pour inconvénient d’augmenter le coût de production car les contrats d’achat de type « take or pay » (obligation de payer même en absence de consommation) qui accompagnent les contrats de concession de type BOT, obligent l’État, lorsque ces contrats sont prolongés, à payer à un privé des équipements qui ne lui appartiennent plus, avec pour conséquence des factures élevées pour le consommateur.
Les contrats BOT signés depuis les années 1990 pour 20 ans dans le secteur électrique et aussi dans le secteur gazier qui alimente en énergie les centrales thermiques de CIPREL et d’AZITO, venus à échéance, ont été prolongés sans révision de contrat d’achat pendant que les équipements sont supposés être la propriété de l’État.
Les apprentis-sorciers, complices des titulaires de ces contrats aux coûts exorbitants pour le consommateur ivoirien, préfèrent fermer les yeux et appauvrir la population avec des prix de gaz et d’électricité à la hausse et un secteur toujours déficitaire, ce qui compromet les futurs investissements dans le secteur.
Avec ces apprentis-sorciers, la crise conjoncturelle risque de se muer à terme, en une crise structurelle, immergeant lentement mais sûrement la Côte d’Ivoire dans l’obscurité. Ce qui se passe dans le secteur de l’électricité se répète dans tous les autres secteurs (Travaux publics, bâtiment, eau, assainissement, télécommunication, pétrole, port, aéroport, écoles, hôpitaux, transport, police, gendarmerie, armée, douane, impôt, trésor, justice, cacao, café, hévéa, palmier à huile, anacarde, etc.).
Tous les compartiments de l’administration et de l’économie sont tirés par le bas par ces apprentis-sorciers.
Pour éviter un scénario catastrophique, le parlement actuel composé d’opposants et dont une des missions est le contrôle de l’action gouvernementale, doit s’auto-saisir en mettant en place une commission paritaire avec comme feuille de route :
1. Apporter la lumière sur la crise du secteur électrique pour situer les responsabilités et réparer les préjudices causés aux ménages et aux opérateurs économiques ;
2. Evaluer les contrats de concession en cours dans le secteur électrique et gazier afin de réduire les dépenses pour équilibrer le secteur, alléger le fardeau des ménages et prendre des mesures vigoureuses afin d'éviter la répétition de cette crise.
C’est seulement à ce prix qu’il est possible de redresser progressivement le destin tordu de la Côte d’ivoire et recoudre la nation déchirée afin de faire émerger les talents des écoles au détriment des talents du fusils et de la drogue.
En paraphrasant l’hymne nationale de la Côte d’Ivoire qui est notre héritage commun, Si dans la foi du parti unique, nos pères fondateurs ont pu bâtir un pays de talents, tous fraternels et hospitaliers, malgré les différences ethniques, religieuses, raciales et d’origine ; Avec le retour de Laurent GBAGBO; Chers ivoiriens, le pays nous appelle , pour relever le défi de l’espérance de la démocratie promise à l’humanité, en forgeant unis dans cette foi nouvelle de la démocratie, la patrie de la vrai fraternité des talents au-delà de nos différences.
C’est ainsi que nous pourrons éviter d’immerger dans l’obscurité et partant d'évitér le sous-développement .