03 juin 2021 - 12:33
Gnamien Attoubré
Pour bon nombre de partisans du pouvoir, l’ex-président Laurent Gbagbo doit rentrer en catimini. Car selon eux, un retour triomphal serait non seulement une « provocation » mais également une atteinte à la mémoire des victimes. Mais pour de nombreux observateurs de la vie politique ivoirienne, cette démarche cache en réalité le débat sur la popularité de Laurent Gbagbo.
En effet, de toute évidence, ses proches veulent faire de ce retour une démonstration de force en termes de mobilisation. C’est sans doute ce que les partisans d’un retour discret souhaitent éviter.
Pour ses partisans, si Laurent Gbagbo était aussi impopulaire, personne ne s’intéresserait à l’accueil que ses partisans devraient lui réserver. Ils démontreraient ainsi à la face du monde qu’il n’est pas le personnage parfois dépeint au plus fort de la crise.
L’argument des victimes ; un prétexte qui ne tient pas la route
L’argument utilisé pour imposer à Gbagbo un retour en catimini est celui du respect de la mémoire des victimes. Or, le rapport de la commission nationale d’enquêtes note clairement que pendant cette crise, en plus des forces fidèles à Gbagbo, les hommes en armes proches du président Ouattara ont commis aussi des exactions.
« Pendant toute la période postélectorale, des atteintes sérieuses au droit à la vie ont été régulièrement commises. Ces atteintes allant des cas d’exécutions sommaires ciblées individuelles et massives aux disparitions forcées et involontaires ciblées ont été le fait des différents acteurs. La plupart de ces atteintes ont été perpétrées ou imputées aux forces pro-Gbagbo, à partir de février au Commando invisible et en fin mars aux FRCI ainsi qu’aux Dozos. » peut-on lire à la page 10 rapport.
Pourtant l’existence de ces victimes n’a pas empêché le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix d’organiser de grandes manifestations en Côte d’Ivoire depuis 2011.
Plus clivant, sur les 3 mille morts de la crise, le gouvernement a choisi d’honorer la mémoire de 7 victimes ; les sept femmes d’Abobo. Avec cette démarche sélective, le gouvernement a pris le soin de catégoriser les victimes. Dans ces conditions, il est difficile de soutenir qu’au nom des victimes, Laurent Gbagbo devrait rentrer en silence.
Pourquoi les « pro-Gbagbo » doivent avoir le triomphe modeste
Certes, les partisans de Laurent Gbagbo ont de quoi se réjouir surtout après ce long feuilleton judiciaire qui s'est soldé par un acquittement pur et simple.
Du point de vue du droit, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont lavés de tous soupçons en ce qui concerne les crimes qui leurs étaient imputés. Seulement, ces derniers portent incontestablement une partie de la responsabilité morale de la tragédie de 2010. Par conséquent, ils doivent en tenir compte en ayons le triomphe modeste. Il s'agit d'une question de bon sens.
Le retour de Laurent Gbagbo est sans doute un événement majeur. Mais aujourd’hui, le véritable enjeu pour la Côte d’Ivoire c’est de reconstruire le tissu social. Dans ces conditions, la tempérance s’impose. Il s’agit d’une obligation morale à laquelle les partisans de l’ancien détenu de La Haye ne doivent pas se soustraire.
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