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Pourquoi le sentiment anti-français gagne du terrain en Afrique

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Pourquoi le sentiment anti-français gagne du terrain en Afrique

31 mai 2021 - 09:36

Regard Citoyens
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Contrairement aux autres puissances, la France a gardé après les indépendances des relations extrêmement étroites avec ses ex-colonies. Cependant, ces dernières années, Paris n’est plus vu par de nombreux africains francophones comme ce partenaire privilégié.

Par Antoine Kobenan

A Bangui, capitale de la Centrafrique, il est loisible de voir patrouiller des véhicules militaires, des blindés notamment, flanqués des drapeaux centrafricains et… russes. Depuis plusieurs mois, l’influence russe prend de l’importance dans ce pays, ancienne colonie française longtemps déchiré par des violences.

Le président centrafricain, Faustin Archange Touadéré a misé sur Moscou pour assurer la sécurité et la défense de son pays. Ce choix des autorités de Bangui s’accompagne d’une campagne de communication aux forts relents anti-français.

A un peu plus de 4.000 kilomètres de Bangui se trouve Bamako, la capitale du Mali. Si dans ce pays l’influence russe n’est pas encore très importante, le désamour vis-à-vis de Paris se fait ressentir auprès des populations.

Plusieurs manifestations dans les rues de la ville malienne ont laissé éclater le sentiment anti-français. Nonobstant la présence militaire de Paris à travers l’opération Barkhane, de nombreux Maliens sont convaincus que l’ancien colon est à la base des malheurs dans ce pays.

Ce 30 mai 2021, quand les chefs d’Etat de la CEDEAO ont décidé de suspendre le Mali après le coup d’Etat du Colonel Assimi Goita, c’est Paris qui s’est retrouvé visée par les critiques sur les réseaux sociaux. Les jeunes internautes étant convaincus que l’organisation sous-régionale n’a fait qu’entériner une décision d’Emmanuel Macron.

Rêves de nouveaux partenariats

Ce regain du sentiment anti-français en Afrique peut s’expliquer par une volonté des jeunes africains francophones de voir leur pays s’ouvrir à d’autres partenariats qui seraient pour eux, moins contraignants. 

De fait, depuis les indépendances, à travers la « Françafrique » qui est plus un système mafieux qu’un outil de développement, la France a soutenu et parfois maintenu au pouvoir plusieurs chefs d’Etat qui lui sont favorables.  Le soutien clan Bongo au Gabon, à la famille Déby au Tchad ou encore au 3e mandat d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire sont autant de faits qui ont contribué à écorner davantage l’image de l’Hexagone en Afrique.

De nombreuses entreprises françaises continuent d’avoir des marchés importants alors qu’aucun pays de la zone CFA n’intègre le top 10 des pays africains en matière de produit intérieur brut. Face à cette situation, des pays comme l’Allemagne, la Chine, la Turquie ou encore la Russie sont de plus en plus attendus en tant que partenaires par de nombreux Africains.

A l’exception de la Russie, ces pays grappillent de plus en plus de place dans les relations économiques avec les Etats d’Afrique francophone. Le pays de Vladmir Poutine tente pour sa part d’exporter sur le continent son expertise en termes d’armement.

Pas si simple de rompre avec la France

Si la volonté de la rue africaine semble claire, il est plus difficile que cela pour ces pays de prendre leurs distances vis-à-vis de la France. D’abord du point de vue culturel, il faudrait une position radicale comme celle du Rwanda qui a décidé d’adopter l’anglais pour casser une bonne partie de l’influence française.

En outre, d’un point de vue économique, la France reste le chef d’orchestre de nombreux projets de développement sur le très long terme dans ses ex-colonies. Les autres pays étant plus des partenaires commerciaux que des acteurs sur des projets dits de développement.

Enfin, l’autre point fort de la France en Afrique est sa présence militaire. Les bases d’Abidjan, Libreville et Djibouti restent des places fortes capables encore de changer le cours de l’histoire en Afrique de l’ouest et du centre.

Et que dire du Franc CFA, la monnaie utilisée par quasiment toutes les ex-colonies françaises. Elle matérialise à elle-seule, l’influence quotidienne de Paris au sud du Sahara et conserve encore de beaux jours devant elle.

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