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Parc national du Banco : Une clôture géante pour protéger un sanctuaire de biodiversité au cœur d’Abidjan

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Parc national du Banco : Une clôture géante pour protéger un sanctuaire de biodiversité au cœur d’Abidjan

20 juin 2022 - 18:31

Regard Citoyens
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Face aux multiples agressions que subit le Parc national du Banco, les autorités ivoiriennes ont pris la ferme résolution de protéger le parc en érigeant une clôture. La ‘’grande muraille d’Abidjan’’ comme l’appelle déjà des riverains vise à protéger un écrin de biodiversité menacé par les activités humaines.

Par Daniel Coulibaly

Vu du ciel à l’aide d’un drone, le Parc national du Banco, communément appelé forêt du banco, est une vaste étendue verte dans une jungle de béton que constitue la ville d’Abidjan, capitale économique ivoirienne.

Richesse naturelle

Dans un centre urbain en constante croissance, ce parc est considéré comme un absorbeur de carbone. Il capte à lui tout seul plus de 10 000 tonnes de gaz carbonique (CO2) par an, grâce au massif forestier qui le constitue, selon l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) dans une note d’information.

Lequel parc est composé de 600 hectares de forêt primaire avec un arboretum de plus de 800 espèces de plantes supérieures originaires des régions tropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. A cela, s’ajoutent 30 espèces végétales en voie de disparition en Afrique de l’Ouest. Sa riche flore et sa faune exceptionnelle en ont fait un parc urbain situé en bordure de l'autoroute du Nord. Classée deuxième au niveau mondial après celui de Rio de Janeiro (Parc national de Tijuca), cette richesse naturelle et atout touristique est malheureusement menacée par les activités humaines dont les coupes illégales de bois, le braconnage ainsi que l'urbanisation anarchique.

Etendu sur une superficie de 3.438 hectares, le parc national du Banco est à cheval entre quatre communes du District d’Abidjan que sont Yopougon, Adjamé, Attécoubé et Abobo. Créé en 1953, il fait partie des 17 Aires protégées prioritaires du réseau géré par l’OIPR. Considérée comme le poumon vert et le réservoir hydraulique de la capitale économique ivoirienne, cette richesse naturelle abrite des espèces de bois et d’animaux devenues rares. Parmi lesquelles l’acajou, le Dabema l’avodiré, le pangolin et une famille de chimpanzés.

Avantages du parc

Selon l’OIPR, cette végétation rend beaucoup de services écosystémiques à la ville d’Abidjan. Les avantages du parc sont multiples, à savoir la purification de l’air, un climat maitrisé, etc. « C’est un poumon vert qui permet d’absorber le dioxyde de carbone (CO2) émis notamment par les véhicules et les industries de la capitale économique du pays. C’est aussi une zone de récréation pour ceux qui veulent respirer l’air pur et être loin des tintamarres de l’agglomération d’Abidjan. C’est surtout conserver un milieu naturel pour les animaux qui y vivent tout en constituant un laboratoire à ciel ouvert pour les chercheurs universitaires. Ce parc avec sa riche biodiversité protège depuis la surface un réservoir hydraulique vital pour la capitale ivoirienne. L’eau puisée dans les profondeurs du sous-sol du parc alimente une grande partie de la ville d’Abidjan grâce à une installation de 32 forages autour. Ce qui permet d’approvisionner 40% les besoins des populations de Yopougon en eau potable », fait savoir toujours la note d’information.

 

Objet de plusieurs agressions 

Malgré une grande artillerie sécuritaire installée depuis quelques années, le parc national du Banco fait l’objet de plusieurs agressions. Celles-ci sont généralement imputées aux riverains des quartiers mitoyens au parc. « Il s’agit des activités illégales telles que les coupes de bois et le braconnage, le déversement d’ordures ménagères à l’intérieur du parc, la recherche de nourriture et de médicaments traditionnels, etc,  et surtout de l'urbanisation galopante et anarchique », indique la note de l’OIPR.  A cela s’ajoutent l’activité des ‘’fanicos’’ (un terme qui, en langue malinké, signifie littéralement « laver l'habit » ou tout simplement un lavandier) qui pollue l’eau jusqu’au parc, menaçant les espèces aquatiques, les ressources fauniques et floristiques. Et les jeunes voyous, pour échapper à la police, y trouvent refuge.  

Une clôture de protection du parc

Pour protéger le parc national du Banco, l’Etat a mis en place une stratégie de sécurisation par la construction d’une clôture, grâce à un don du Japon et le Projet de train urbain d’Abidjan (PTUA). La construction d’une clôture de protection du parc s’inscrit dans le cadre du programme de préservation des forêts et projet de réhabilitation du parc national du Banco. Le Colonel Koné Drissa, chargé des aménagements à la direction technique de l’OIPR, explique que « la construction de la clôture date de 2004, lorsqu’il a été constaté que le parc national du banco subissait d’énormes agressions. Il fallait donc mettre un frein à ces agissements pour sauver cette aire protégée qui a même vu une partie se transformer en dépôt d’ordures par les riverains ».

La première phase de construction de clôture au nord du parc remonte en 2019 (janvier à septembre). Le Colonel Koné indique qu’il fallait faire des choix stratégiques pour protéger les zones les plus exposées. C’est ainsi que pour la première phase ce sont 4 400 kilomètres qui ont été réalisés par deux entreprises ivoiriennes. La première portion de 3 200 km part du foyer des frères Franciscains (Yopougon-Andokoi) à la route en construction au niveau de la Cité Ado en passant par la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). La seconde portion de 1 200 km partant du carrefour Bandji (N’Dotré) jusqu’au fin fond du quartier « Maison jaune » a débuté le 8 novembre 2021 et réceptionnée le 31 mars 2022. Et la seconde phase d’environ 4 500 kilomètres, qui est réalisée par le PTUA sur le long de la nouvelle route en construction (de N’Dotré Carrefour Bandji au Grand carrefour zone industrielle Yopougon), prend fin au niveau de la prison civile.

Gestion participative, éducation sur le climat…

Et une chose importante, c’est la gestion participative du parc. Sur cet aspect, l’OIPR confie que ses actions sont menées de concert avec les populations en vue de trouver des activités alternatives pour que les ressources du parc ne soient plus agressées. « Les chefs de village font partie du Comité de gestion locale du parc national du Banco. Les jeunes des villages riverains sont des guides touristiques. Les femmes sont équipées en matériel de transformation d’Attiéké. Les écoles et centres de santé sont réhabilités et équipés en matériels biomédicaux », indique-t-il dans sa note d’information.

Le parc national du Banco contribue à l’éducation des populations sur la biodiversité et le climat, comme le reconnait Essan Paul Marie, étudiant en Licence1 de Droit : « C’est une opportunité pour tous ceux qui n’ont jamais vu de forêt d’être en contact avec la nature. Je demande aux autorités de redoubler de vigilance dans la surveillance de cette richesse naturelle en plus de la clôture qui sera construite ». De son côté, Antoine Dédi, enseignent d’Histoire-Géographie en randonnée dans la forêt, pense que c’est l’un des patrimoines naturels que notre pays doit « absolument conserver ». Etudiante en gestion commerciale, Sara Kadjo découvre pour la première fois le parc du Banco, avec enthousiasme : « J’aime tout ce que j’ai vu comme espèces végétales et bien de choses que je ne savais pas de ce parc. Je n’ai pas encore vu la clôture, mais c’est déjà bon si elle va protéger la forêt. J’y reviendrai avec d’autres connaissances ». Elle suggère la création d’un mini zoo pour les visiteurs. Marie Ines Kambiré, étudiante, dit être fortement impressionnée par le parc qu’elle découvre. « Il a été bien pensé et l’initiative du gouvernement pour sa protection est salutaire », relève-t-elle. « J’ai appris beaucoup de choses sur les espèces végétales. Nous étions dans un environnement naturel et sauvage, et je pense que pour sa préservation l’Etat doit prendre des mesures plus dures pour contrer des activités qui mettent en mal le parc »,  ajoute Eric Emmanuel Yao Koffi, ingénieur  commercial, qui a clamé sa joie de découvrir pour la première fois le parc.

Agir en urgence

De leur côté, les communautés villageoises à proximité apprécient différemment la construction de la clôture. Sika Brou Pierre, 1er adjoint au chef Kouassi Toto du village d’Adjamé Agban Attié (Banco), émet des réserves. « Certes la clôture est une bonne chose, mais le plus important pour nous, c’est de contribuer à la protection de ce parc à travers notre engagement exprimé depuis la crise de 2011 », soutient-il. Contrairement à son prédécesseur, le chef du village de Yopougon-Attié (Andokoi) donne un autre son de cloche. « Le parc est notre patrimoine. La clôture est un projet auquel nous avons adhéré, et cela nous a permis d’avoir des financements pour accompagner nos projets », se réjouit-il, lançant un appel au gouvernement pour la réhabilitation de la voirie à Andokoi.

Par ailleurs, dans le quartier « Maison jaune » à N’Dotré, Mireille Mathieu Zéprè et Mariam Samaké, des riveraines, ont des avis divergents sur la question. La première estime que des habitants ont été déguerpis injustement, sans indemnisation. « Faux », a rétorqué la seconde qui révèle qu’avant la construction de la clôture, les autorités avaient expressément demandé à ces occupants de déguerpir. Ceux-ci, selon elle, se seraient entêtés en achetant des terrains et même bâti des maisons. C’est le cas de la famille Dosso qui continue de vivre dans l’amertume. « Nous avons subi d’énormes préjudices sans être indemnisés. Notre famille a même payé 80 000 FCFA pour la fondation de la clôture qui débute dans notre demeure », a confié Dosso Souhalio, souhaitant la finalisation de cette clôture qui a considérablement réduit l’espace de la cour familiale.

La 15ème Convention des Nations-Unies sur la Lutte contre la Désertification et la sècheresse (CNULCD) tenue du 9 au 20 mai 2022 à Abidjan, autour de « Terres. Vie. Patrimoine : D’un monde précaire vers un avenir prospère » a fait observer que près de 40 % des terres sont déjà̀ dégradées. Entrainant des conséquences désastreuses pour le climat, la biodiversité́ et les moyens de subsistance des individus. C’est pourquoi, les Etats sont invités à  freiner l’avancement la désertification. La Côte d’Ivoire qui possédait 16 millions d’hectares à l‘indépendance ne compte aujourd’hui que 2,9 millions de forêt. Il y a donc urgence de mettre en place une politique de gestion durable des forêts à travers des actions concrètes, notamment le reboisement des parties détruites, lutter contre l’abattage des arbres, freiner le braconnage, mettre en place une stratégie de gestion inclusive et réduire la pratique de l’orpaillage clandestin pour une protection efficace de la biodiversité et notre environnement.

Cette enquête a été réalisée avec l’appui de Eburnie Today et l’ONG IDEF dans le cadre du projet “Building the biodiversity media champion network in Côte d’Ivoire” soutenu par Earth Journalism Network et Internews Europe.

Parc national Banco, OIPR, Côte d'Ivoire, Abidjan
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