07 oct 2021 - 09:33
Par Magloire Ndehi
Depuis quelques jours, l’actualité qui défraie la chronique, c’est l’affaire des enquêtes des pandoras papers qui désigne la fuite de près de 11,9 millions de documents confidentiels faisant état de supposés montages financiers à des fins d'évasion fiscale ou de blanchiment, via des sociétés offshores à large échelle de plusieurs milliers de personnalités politiques et publiques.
Sans entrer dans le fond du dossier, que je ne maitrise pas, je voudrais toutefois, à des fins pédagogiques abordés deux points de réflexion en prétextant de cette actualité.
D’abord, qu’est-ce qu’une société offshore ou créer en offshore ?
"Offshore " est un terme anglais qui se traduit en français par " au large des côtes " ou " extraterritorial ". Ainsi, une société offshore signifie littéralement une entreprise qui est enregistrée à l'étranger, dans un pays où son dirigeant responsable ne réside pas.
Mis à part les facilités d'installation et de constitution fournies par le pays d'immatriculation, l'intérêt principal d'une société offshore est l’optimisation fiscale (mécanismes et montages financiers pour payer moins), ce qui n'est pas interdit par la loi. On qualifie donc les pays d'accueil des sociétés offshore de « paradis fiscal » d’autant qu’ils garantissent une très grande discrétion concernant les fonds, les comptes bancaires ainsi que facilités d’impôts.
Globalement, les avantages que la société offshore peut procurer sont entre autres :
- Aucun impôt sur les sociétés ;
- Pas d'exigence comptable ;
- De faibles frais de gestion ;
- Préservation de l'anonymat ;
- Protection des actifs ;
- Protection juridique ;
- Pas d'exigence de Capital versé.
Vous aurez certainement compris l’enjeu et quelqu’un pourrait se demander : quel entrepreneur ou chef d’entreprise est fou pour ne pas profiter de tels avantages surtout si aucune règlementation n’interdit formellement cette pratique ?
On ne commet donc ni contravention, ni délit encore moins un crime en créant des entreprises dans des paradis fiscaux, mais c'est un manque de patriotisme surtout lorsqu’on est une personnalité politique et publique.
Créer une entreprise en offshore alors qu’on occupe des responsabilités publiques, c’est faire preuve d’incivisme et d’indélicatesse. C’est manqué de vertu et même être « immoral » quand on vit des cotisations des contribuables qui sont « harceler » à payer des taxes et impôts et qui croulent sous la pression fiscale.
La question que les sociétés offshore pose, c'est plus un problème d’éthique et de pudeur civique.
Jusqu’ici, je ne sais pas si les révélations faites par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) sont vraies ou fausses ; mais je prétexte pour noter deux (02) choses qui me semblent importantes :
1- La vie publique surtout en République où les biens ne sont pas la propriété d’un individu et son clan, mais la propriété de tous, exige de la mesure, de la pudeur et de l’exemplarité. Comme disait le professeur Dominique Rousseau, « Sans vertu politique, la démocratie s’effondre et les populismes s’épanouissent ».
Un homme politique ne doit pas se soustraire au paiement des impôts surtout qu’il vit aux dépens des impôts que d’honnêtes citoyens peinent parfois à payer.
Dans un contexte de difficulté sociale pour plusieurs et de perte de confiance des citoyens dans le fonctionnement de la démocratie et pour la politique, le genre de pratiques comme celles reprochées aux acteurs publics qui créent des entreprises en offshore pour ne pas payer d’impôts dans leur pays d’origine est un scandale.
2- La deuxième chose que je retiens, c’est qu’avec la montée en puissance des réseaux sociaux, d’ici 10 à 15 ans, l’espace politique sera d’airain. Le moralisme deviendra une arme de contrôle citoyen. Les peuples seront plus « vigilants » et encore plus exigeants.
Il y a quelques années, nous n’avions que la télévision, la radio et la presse pour entendre et parler de l'attitude des acteurs publics. Mais aujourd’hui, les médias sociaux donnent l’opportunité et une grande possibilité à tous les citoyens d’avoir un accès plus rapide à l’information et surtout de la commenter sans filtre, ce qui n’était pas donné avec les médias traditionnels.
On peut donc imaginer que les années qui viendront seraient plus difficiles les avec des citoyens qui voudront plus que la « loi » pour réclamer plus de vertu et beaucoup plus de morale.
En clair, les « révélations » des pandoras papers qu’elles soient vraies ou fausses (je ne sais pas) posent néanmoins la problématique de la transparence dans la vie publique et de l’éthique des acteurs politiques. En somme de la vertu dans l'espace public!
Aussi, ces « révélations » pourront interroger l'efficacité de notre système fiscal et l’environnement des affaires qui ne facilitent pas la vie des entrepreneurs ?
Pour plusieurs autres entrepreneurs, de bonne foi, préfèrent se faire enregistrer ailleurs que dans leur pays d'origine ou l'informer et la précarité ?
En 2020, l’indice des Libertés économiques de la Côte d’Ivoire affichait une note de 59,7/100 (donc peu de libertés pour les affaires) et l’indice risque pays de l’agence de notation financière Bloomfield Investment indiquait aussi une note de 5,7/10.
Les différents rapports de ces indices montrent très clairement les contraintes pour les entreprises qui esseulées sont parfois tenter de frauder ou de « s’évader ».
En 2020, devant les sénateurs, le Ministre des PME avouait: "Au plan juridique et institutionnel, il convient, d’une part, au niveau juridique, de dire que l’environnement des affaires est encore peu favorable aux PME malgré les dispositions prises pour l’améliorer. En effet, le cadre juridique et réglementaire est jugé inapproprié car les PME ont des difficultés à s’y conformer."
Pour y remédier, il nous faudra du courage et des actions au-delà de la communication.
J’en parlerai dans une prochaine chronique.
Excellent jeudi !
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