04 nov 2020 - 09:55
Par Joakim Attoubré
Depuis quelques mois, la Côte d’Ivoire est engagée dans un processus électoral problématique. En effet, l’opposition qui rejette le processus ainsi que la candidature d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat a appelé à la désobéissance civile.
Officiellement, cette démarche avait pour but d’obtenir le retrait de ladite candidature qu’elle juge « anticonstitutionnelle » ainsi que la mise en place d’un cadre institutionnel et opérationnel qui favorise des élections libres, inclusives et transparentes. Cependant, aucune de ces revendications n’a été véritablement prise en compte.
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De ce fait, l’opposition a été appelé au boycott actif des élections. Ainsi, le scrutin tenu le 31 octobre 2020 a été émaillé de violences allant jusqu’à causer des pertes en vie humaine. A l’issue de cette échéance, Alassane Ouattara a été proclamé vainqueur par la commission électorale indépendante avec plus de 94% des voix. Mais parallèlement, l’opposition a mis en place un Conseil National de Transition (CNT) dirigé par l’ancien Président Henry Konan Bédié. Mais quelles sont les forces et les faiblesses de cette transition ?
Une transition mise en place par une opposition hétéroclite mais représentative
En analysant les atouts de cette transition, il ressort clairement que l’une de ses forces réside dans l’union de circonstance de la quasi-totalité de l’opposition. En effet, cette initiative est portée par plusieurs figures de proue de la vie politique de la Côte d’Ivoire. De Laurent Gbagbo en passant par Henri Konan Bédié, Guillaume Soro, Mamdou Koulibaly, Mabri Toikeusse etc. La sommes des militants et sympathisants de ces leaders représente une arme indéniable qui compte forcément. Il n’est pas inutile de rappeler que lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2010, Laurent Gbagbo a totalisé 38.04% des voix tandis que Konan Bédié quant à lui a obtenu 25, 24% ce qui représente plus de 60% de l’électorat même si on peut imaginer que les chiffres aient évolué avec l’inscription des nouveaux majeurs.
Des décisions de justice foulées au pieds par le pouvoir
Dans le cadre du processus électoral, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples a fait injonction à la Côte d’Ivoire le 15 juillet 2020 quant à la recomposition de la Commission Électorale indépendante. De plus le 15 septembre 2020, ladite cour a « ordonné à l’État de Cote d’ivoire à prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant Guillaume Soro de jouir de ses droits d’être élu et d’être élu notamment lors de la présidentielle de 2020. ».
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Une autre décision en faveur de l’ancien Président Laurent Gbagbo Laurent Gbagbo a été également rendue dans ce sens le 25 septembre 2020. La non-application de ces mesures est un argument pour l’opposition. En effet, elle estime que le pouvoir d’Abidjan a délibérément choisit d’exclus ces potentiels adversaires afin d’ouvrir un boulevard à Ouattara.
De plus, plusieurs missions d’observation des élections ont parlé d’un scrutin « non inclusive » et « non crédible ». C’est le cas de la mission internationale conjointe du centre Carter qui a estimé que « le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle complétive et crédible ».
Les observateurs d’Indigo Côte d’Ivoire ainsi que ceux de l’union africaine ont également relevé des cas de violences qui ont entaché le scrutin. Tous ces éléments peuvent donner un peu de crédibilité à l’action de ce comité de transition. Mais le plus gros problème sera sa légitimité sur le plan international.
Une démarche floue et peu soutenue
Contrairement à ce qu’avance l’opposition ivoirienne, il y a eu une élection le 31 octobre 2020. Au-delà des nombreuses irrégularités constatées par tous, des citoyens se sont rendus dans les urnes pour accomplir leur devoir. Dans ces conditions, il sera difficile pour cette transition de bénéficier du soutien de la communauté internationale.
D’ailleurs, après le déploiement de 45 observateurs dans le pays, l’union africaine et la communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont jugé le scrutin « globalement satisfaisant ». Il est donc difficilement concevable que ces organisations reconnaissent ce Conseil de transition.
L’Union Européenne et l’Organisation des Nation Unis devant cette situation vont certainement pencher vers la légitimité constitutionnelle que le conseil Constitutionnel va certainement accorder à Alassane Ouattara. En l’absence de véritables moyens de pressions sur la communauté internationale, cette transition va devoir compter sur le rapport de force. Arrivera-t-elle à s’imposer à Ouattara ?
Rien n’est moins sûr.
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