19 juil 2021 - 12:27
Par Daniel Coulibaly
Depuis quelques mois, les prix des produits de première nécessité ont grimpé du simple au double voire au triple. La grogne qui a suivi a fait descendre le Premier ministre Patrick Achi sur le terrain. Pour sa sortie, il s’est rendu au forum des marchés d’Adjamé, le vendredi 2 juillet 2021. A la fin de sa visite, il a annoncé la réactivation et le renforcement des actions du Conseil National de Lutte contre la Vie Chère (CNLVC), en vue de mettre fin à l’augmentation excessive de certaines denrées alimentaires.
Malheureusement, près de deux semaines après cette déclaration ; l’on constate que rien n’a vraiment changé sur les marchés et dans les boutiques du pays. Pire, les prix de denrées alimentaires ont connu une forte augmentation. Le panier de la ménagère est devenu tellement léger qu’une association de consommateurs dénommée « Initiative citoyenne contre la cherté de la vie(ICC) » a décidé de faire une marche pacifique ce mercredi 21 juillet 2021 pour protester contre la flambée des prix des denrées alimentaires et autres produits de première nécessité.
Dans la foulée, Souleymane Diarrassouba, ministre du Commerce et de l’Industrie qui jusque-là était resté muet sur la question de la vie chère, annonce une conférence de presse ce dimanche 18 juillet 2021. C’est rare qu’un ministre de la République tient une conférence de presse un jour non ouvrable. Y avait-il le feu en la demeure? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à cette conférence sur la cherté de la vie, Souleymane Diarrassouba a « bien parlé, mais n’a pas parlé fort ». Comme on le dit de façon triviale à Abidjan.
Ils sont nombreux, ces observateurs qui ont suivi sa conférence, et ont trouvé les réponses et les propos liminaires du ministre peu convaincant pour justifier les coûts élevés de plusieurs denrées alimentaires et bien d’autres produits sur le marché. Le ministre ivoirien du Commerce et de l'Industrie a évoqué plusieurs actions du gouvernement dans le but de lutter contre la vie chère.
Selon lui, les augmentations constatées ne sont pas spécifiques à la Côte d’Ivoire. Au plan mondial, après une année 2020 marquée par la pandémie à coronavirus, et les tensions sur les matières premières, l’inflation reprend de la vigueur. L’Indice des prix alimentaires de la FAO a progressé pour le 12eme mois consécutif et s’établit à 127,1 points, avec un bond de 5,8 points, la plus forte hausse mensuelle depuis 2010.
Ce qui explique une augmentation des prix internationaux au deuxième semestre 2020 et encore marqué par un fort rebond au premier semestre de 2021. Par exemple, le prix du maïs a été multiplié par plus de deux ; ceux du soja, du sucre et du blé ont augmenté respectivement de 61%, 52% et 26%. « La forte demande d'aliments pour animaux en Asie et les contraintes sur la croissance de la production agricole mondiale ont alimenté la hausse des prix », a-t-il précisé.
En Côte d’Ivoire, Souleymane Diarrassouba a confié que les évolutions des prix des produits de première nécessité ont été globalement maîtrisées au cours du premier trimestre de 2021 comparativement à la même période de 2020, avec un approvisionnement régulier des marchés avant la crise énergétique, grâce aux différentes mesures prises par le gouvernement. « La situation aurait été encore pire s’il n’y avait pas eu de réaction », a soutenu le ministre du Commerce et de l'Industrie.
Les raisons de ces augmentations sont entre autres, le rationnement des entreprises en électricité, le décalage de la saison des pluies et le contexte international (forte demande internationale, hausse du coût du fret, hausse du coût des intrants importés), notamment les protéines d’origine animale (viande, poisson), l’huile de palme raffinée et le ciment, et certains produits vivriers du fait de baisse saisonnière de l’offre locale.
Ainsi pour l’huile de palme brute, le prix est passé de 399F/kg en décembre 2020 à 497 F/kg en janvier 2021, puis à 627 F/kg en juillet 2021, soit une hausse de 57% tandis que le prix de l’huile raffinée de 25L est passé de 19600 F en décembre 2020 à 22500 F en juillet 2021, soit une hausse de 14,79%. Le prix de la tonne de blé est passé de 250 euros en janvier 2021 à 300 euros en juillet 2021, soit une hausse de 20%, combinée à une hausse du coût de fret de 20% alors que le prix de la tonne de farine de blé n’a augmenté que de 5% entre janvier et juillet 2021.
Il n’a pas manqué de dénoncer des prix publiés sur les réseaux sociaux qui ne reflèteraient pas la réalité, selon lui. A titre d’illustration, le sac de riz de 22,5 kg rizière vendu à 12.900 FCFA en 2020 coûte aujourd’hui entre 12.425 FCFA et12.600 FCFA. Le bidon d’huile de 20 L qui coûtait 16.500 FCFA est vendu aujourd’hui (selon la marque) entre 17 975 et 18 000 FCFA pour Palme d’Or, entre 18 200 FCFA et 19 100 FCFA pour AYA et entre 20 200 FCFA et 20 400 FCFA pour Dinor. Sur la question de la viande avec os ou sans os dans les marchés, le ministre a précisé que les prix maxima à Abidjan et ses environs en vigueur sont de 2600 FCFA/kg pour la viande de bœuf avec os au détail et 2800 FCFA/kg pour la viande de bœuf sans os au détail. « Le prix ne doit pas excéder 3000 FCFA ».
Il a par ailleurs, annoncé que des mesures seront prises en tenant compte de la dynamique économique et la protection des consommateurs. « Lorsqu’un commerçant ne respecte pas les prix il peut être sanctionné et interdit d’activité’, a prévenu M. Diarrassouba, soulignant que la mission du gouvernement est d’assurer la surveillance du marché et d’encadrer les prix en cas de dysfonctionnements du marché et de pratiques spéculatives ; et protéger l’outil de production et les emplois.
Souleymane Diarrassouba a également indiqué que les agents contrôleurs du ministère au nombre de 300 ne pourront pas à eux seuls faire le travail de surveillance des prix. C’est pourquoi, il a invité les populations et les associations de consommateurs à s’impliquer davantage dans ce contrôle.
« Nous poursuivons la concertation avec les différents acteurs. Les échanges avec les différents acteurs permettront de trouver des solutions durables qui n’obèrent pas le pouvoir d’achat des populations. En cas de nécessité, nous allons prendre des mesures d’encadrement des prix. J’invite les populations au calme et à la sérénité, à ne pas céder à la panique et éviter de diffuser des informations qui sont de nature à perturber le marché », a laissé entendre Souleymane Diarrassouba.
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